Considérations sure le malheur arabe
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Titre original: Considérations sur le malheur arabe Auteur: Samir Kassir Editeur: Actes Sud Sindbad Date de publication: 2004 Langue: Français Pages: 102 Présentation de l'éditeur Il n'est pas facile d'être arabe de nos jours. Où que l'on se tourne, du Golfe à l'Océan, le tableau paraît sombre, et plus encore quand on le compare à d'autres régions du monde, y compris les plus démunies. Pourtant, ce "malheur" n'a pas toujours été. En plus de l'âge d'or de la civilisation arabo-musulmane, il y eut un temps guère lointain où les Arabes, redevenus acteurs de leur histoire, pouvaient se projeter avec optimisme dans l'avenir. Comment en est-on arrivé au marasme actuel ? Comment est-on parvenu à faire croire aux Arabes qu'ils n'ont d'autre avenir que celui que leur destine un millénarisme morbide ? Comment a-t-on pu déconsidérer une culture vivante pour communier dans le culte du malheur et de la mort ? A ces questions qui tourmentent beaucoup d'Arabes, l'auteur cherche à apporter des réponses à la fois nuancées et originales. Revisitant l'histoire contemporaine, il remet en perspective l'irruption de la modernité en terre arabe et la faveur qu'elle reçut. Loin de se focaliser sur les élites, il montre l'ampleur des mutations qui ont bouleversé le temps social, au moins jusqu'au début des années 1970. Sans prétendre proposer une recette miracle pour sortir du malheur, Samir Kassir en montre la possibilité en soulignant que rien, et notamment leur héritage culturel, ne devrait empêcher les Arabes d'être de nouveau les sujets de leur propre histoire. Revues et points de vue Considérations sur le malheur arabe Par Babelmed Babelmed.net est un projet éditorial centré sur les réalités politiques et culturelles qui façonnent l'identité méditerranéenne. Il fallait un Beyrouthin pour oser ce livre et ce titre. Auteur en 2003 d'une Histoire de Beyrouth, Samir Kassir, Professeur de Sciences politiques et éditorialiste à An Nahar, a osé. Il brosse en effet un tableau original du "malheur arabe", de ses racines et de ses expressions. Pour ce faire, il puise dans l'histoire et la culture arabes et convoque tant l'islam politique que le néo-colonialisme américain ou encore ausculte les régimes arabes hégémoniques. En 100 pages et pour 10 ?, ces Considérations sur la malheur arabe, publiées chez Actes Sud en novembre 2004 et dont une version arabe est attendue presque simultanément, éclairent d'un jour nouveau les réflexions sur le devenir du monde arabe à l'aube du troisième millénaire. Pour bref qu'il soit, cet essai va sans nul doute captiver les passionés du monde arabe, même si, inévitablement, il en agacera quelques-uns. Un premier paradoxe relevé par l'auteur réside dans le fait que le malheur arabe est davantage une affaire de perceptions que de réalité objective. Plutôt mieux lotis que nombre de pays en développement, les pays arabes sont globalement convaincus que l'avenir est obstrué et que l'apanage des avancées démocratiques, de la croissance économique et de la maîtrise technologique appartient à d'autres, qu'ils soient Asiatiques, Latino-américains ou Africains. Même lorsqu'ils sont au premier plan de l'actualité mondiale, comme avec la guerre en Irak, c'est pour constater que, si cette guerre a pu être retardée, ce ne fût par eux mais grâce à la société civile internationale, cet altermondialisme dans lequel les Arabes n'ont qu'une part infinitésimale. Cheminant dans son exploration de l'Histoire, l'auteur nous assène au passage quelques mises au point salutaires: que la femme syrienne ait eu le droit de vote avant la française n'est pas indifférent dans le concert actuel de démocratisation universelle; le rapprochement entre les flagellations sanguinolantes des Chiites lors d'Achoura et celles du Vendredi Saint lors de certaines célébrations en Espagne ou aux Philippines n'est pas non plus inutile en cette époque de démonisation médiatique. Le conflit arabo-israélien est bien entendu mis par Samir Kassir au centre de la démonstration: Il n'a pas fallu attendre l'occupation américaine de l'Irak, en effet, pour que le sentiment d'impuissance commence à ronger les Arabes. A chaque nouvel épisode de la question de Palestine, l'impuissance est là, et d'autant plus déstabilisante que même l'expert le mieux prévenu du rapport des forces effectif ne peut manquer de la mesurer au différentiel démographique entre Israéliens et Arabes. S'y ajoute le déficit démocratique de la quasi-totalité des pays arabes: Le sentiment d'impuissance que nourrit cette domination, et qui est d'autant plus irrésistible que l'inconscient arabe le mesure à la nostalgie d'une gloire oubliée et toujours fantasmée, se double d'une impuissance citoyenne. Non seulement les pouvoirs en place ne peuvent donner ou rendre à leurs Etats une capacité d'initiative dans les relations internationales, mais ils interdisent à leurs citoyens toute initiative susceptible, sinon de changer les pouvoirs, du moins de leur insuffler, par le truchement d'une participation populaire, une vigueur renouvelée (...) La crise des idéologies aidant, il n'y a plus, dès lors, que le recours à la religion pour canaliser la frustration et véhiculer la demande de changement. On ne saurait être plus limpide. Et pour mieux enfoncer le clou, l'auteur ajoute Si elle résulte d'abord du déficit démocratique, la montée de l'islam politique ne saurait être une réponse à l'impasse des Etats et des sociétés arabes. Résistance à l'oppression, elle naît aussi de l'échec de l'Etat moderne et de l'égalitarisme des idéologies du progrès et, en ce sens, s'apparente à la montée des fascismes en Europe (...) C'est dire combien est fausse l'illusion que l'islam politique puisse offrir une possibilité de sortir du malheur arabe, quand il en est l'un des éléments constitutifs. Renverser cette logique du 'malheur arabe' appelle une remise en question qui, selon Kassir, n'est pas impossible, mais sa difficulté vient de ce que les élites susceptibles de la promouvoir sont prises en sandwich entre des pouvoirs non démocratiques, le plus souvent d'ailleurs soutenus par l'Occident malgré la 'croisade démocratique' du Grand Proche Orient, et les courants de l'islamisme radical. Et, dans ce contexte, une condition urgente: que les Arabes abandonnent le fantasme d'un passé inégalable pour voir enfin leur histoire réelle. En attendant de lui être fidèle. Contre l'amnésie Par La lecture du livre de Samir Kassir est hautement salutaire. En une centaine de pages, de manière cursive et non moins éclairante, il fait un sort à toute une série de clichés contemporains qui pèsent sur les Arabes. Des clichés produits par l'extérieur, ou entretenus par eux-mêmes. Tous négatifs. Parce que Considérations sur le malheur arabe est un livre sur les représentations, l'approche de Samir Kassir est celle d'un historien des mentalités : il pose d'abord un constat, qui, pour le moins, est plutôt sombre, puis il rappelle ce qu'une chape d'oubli a aujourd'hui effacé : le grand mouvement de rationalisation du XIXe siècle, ses prolongements, notamment dans les arts, au siècle suivant. Ce tableau d'un monde arabe de progrès et de lumières, d'universalisme et de libertés collectives et individuelles semble à la fois proche et distant. Comme s'il suffisait d'effacer la buée qui en brouille la vue. Mais le geste reste bloqué. Il faut espérer que le livre de Samir Kassir contribue à le rendre possible. D'autant que, peu de temps après son édition française, une version arabe en sera disponible. L'urgence est à la réappropriation de l'histoire. Pour se sortir du « malheur » de l'amnésie. Note sur le livre de Samir Kassir : « Considérations sur le malheur Arabe » Par Michel Tabet mercredi 12 janvier 2005. Tribune libanaise Samir Kassir frappe à nouveau avec un petit livre qui porte sur le malheur arabe. Le livre est un antidote contre les idées simples et les raccourcis idéologiques de notre temps. C'est une lecture salutaire qui permet de reprendre de la confiance et du souffle. Le propos s'articule autour d'une idée simple : modernité et arabisme ne sont pas incompatibles. Derrière cette idée phare, et même si Kassir se défend de faire de la politique, on voit tout de même poindre une grande politique qui cherche à saisir l'homme arabe dans toutes ses dimensions. L'objectif de cette politique est de réactiver les capacités de création et de synthèse culturelle que l'histoire moderne et contemporaine ont complètement mutilées. Le grand message de Kassir est que mutilation ne veut pas dire liquidation. Son livre s'apparente alors non seulement à un diagnostic lucide du mal qui gangrène les sociétés arabes, ni même seulement à l'établissement d'un programme utopique ou narcotique, mais à l'ouverture d'un chantier. Ce chantier est double parce qu'il est d'un même mouvement politique et culturel. Mais ce double mouvement ne s'épuise pas dans un petit programme simple avec des slogans faciles à intégrer et une attention bien pensante aux bienfaits de la culture. Ce à quoi renvoient ces considérations, c'est à une politique des profondeurs qui se fout des clivages entre droite et gauche, haut et bas etc. Elle se fout de ces clivages parce que l'horizon qu'elle suggère et celui d'un électrochoc civilisationnel. En d'autres termes, ce qui se trame ici est l'espérance en une révolution anthropologique susceptible de déloger l'homme arabe du piège dans lequel il s'englue, une révolution copernicienne qui pourrait changer de fond en comble l'être au monde des Arabes. Cet horizon n'est ni utopique ni emprunté parce qu'il s'inscrit dans la logique même de la modernité arabe. Si Kassir s'attarde sur les raisons de l'échec de la modernisation, le pivot de sa réflexion s'articule autour de la notion de Nahda. Cette référence est tout sauf nostalgique. Elle ne vaut que parce que la Nahda étant derrière nous, elle peut poindre à l'horizon de l'avenir. À partir de cette idée, le livre développe un plaidoyer pour une réactualisation de la Nahda comme antidote au malheur ambiant et comme force toujours active. Le malheur arabe ne vient pas d'une incompatibilité entre Islam, arabisme et modernité mais d'un échec de la modernisation. Cet échec lui-même ne résulte pas de la contradiction entre les termes cités, puisque la Nahda prouve la possibilité de leur rapprochement. En effet, et sous son impulsion un peu partout dans le monde arabe le voile tombe : la culture la poésie et toutes les formes d'expression artistique témoignent d'une vitalité, d'une créativité et d'un avant-gardisme uniques en leur genre. La vie quotidienne est complètement bouleversée par la pénétration occidentale sans que cela ne provoque de résistance significative. En l'espace de quelques années, le monde arabe bascule dans une nouvelle ère. Mais en filigrane de cette modernisation sourdent les dangers : « on ne pourrait pas composer de cette époque une image idyllique, ne serait-ce que parce que l'absence de démocratie et les excès d'étatisme, en plus d'avoir asséché l'esprit d'initiative, ont fait le lit du chaos présent ». Mais ce facteur semble lui-même déterminé par un autre : l'emprise des puissances occidentales sur la région. Le XX siècle aura aussi été celui de la mobilisation complète des ressources dans les luttes d'indépendances. À cet effort qui n'a pas laissé les sociétés indemnes, il faut ajouter la naissance d'Israël qui au moment même où les états arabes accédaient à un semblant d'indépendance entérine et enracine la logique de domination étrangère. La Nakba ne marque pas seulement la défaite des Palestiniens et des armées Arabes, elle signe l'acte de naissance de ces nouveaux régimes arabes qui, « sauf au Liban, mettent fin au parlementarisme libéral et, incapables de surmonter le déséquilibre des forces avec Israël, ne tardent pas à encager les sociétés ». Autre source de malheur : la découverte du pétrole dans des régions restées en marge de l'histoire arabe depuis des siècles. À partir de ce moment, tous les acquis de la modernisation culturelle et politique sont menacés par la montée en puissance de ces monarchies conservatrices qui vont exporter un anti-modèle. Ce sont donc la convergence de plusieurs facteurs qui vont déboucher sur la situation catastrophique que l'on connaît aujourd'hui et que Kassir, dans les deux premiers chapitres désigne comme l'impuissance et le déficit de démocratie. Tout l'intérêt de ces chapitres est de montrer de quelle manière l'arabisme et l'islamisme sont le résultat d'une crise de l'état et non pas les causes de cette crise. Mais plus important encore que ce rappel est l'analyse des limites de l'islamisme qui semble se présenter comme le seul horizon actuel des masses arabes. Kassir s'empresse tout d'abord de mettre certaines idées au clair : « l'avancée de l'islam politique est une réislamisation de la société, et davantage en réponse à une pouvoirs jugée inefficace et inique, voire impie, que comme une réaction à la culture du modernisme » (40). Né de la convergence entre plusieurs facteurs, totémisation de la résistance, échec du nationalisme et réaction aux impérialismes américains et israéliens, l'échec de l'islamisme ne réside pas tant dans son programme politique que dans son incapacité à dépasser l'impuissance ou à restaurer l'intégrité de l'état. Au contraire, en se posant en victime absolue et en résistance jusqu'auboutiste, l'islamisme enferme les Arabes dans cette impuissance dont il se nourrit. En gros, l'islamisme ne propose pas un horizon de régénérescence mais une perpétuation de la lutte pour la lutte, sorte de complaisance de la victime envers elle-même, ultime refuge de la bonne conscience. À l'opposé de cette politique, l'espoir de ce livre est non pas de proposer une solution, qui serait de toutes les manières le résultat d'un travail de longue haleine, mais bien de repérer dans l'histoire arabe des schèmes susceptibles de réactiver le moteur du progrès et de la civilisation. Cette démarche a le mérite de remettre l'initiative dans le camp arabe et de renvoyer ceux qui espèrent en une intervention salutaire de l'extérieur à la vanité et à la naïveté de leurs prétentions. En effet, que ce soit les islamistes ou ceux qui croient que l'Amérique pourra faire de l'orient arabe un foyer démocratique, aucun ne propose de véritable issue à l'impuissance et au malheur des Arabes.
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