Histoire de Beyrouth
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Titre original: Histoire de Beyrouth Auteur: Samir Kassir Editeur: Fayard Date de publication: 2003 Langue: Français Pages: 732 Présentation de l'éditeur Pourquoi Beyrouth, ville finalement modeste, a-t-elle occupé une si grande place politique, économique et culturelle ? A la croisée de l'Orient et de l'Occident, Beyrouth a attiré les envahisseurs : Romains, Arabes, croisés, Mamelouks d'Egypte, puis Ottomans. C'est seulement à partir du XXe siècle que Beyrouth entame son ascension commerciale, notamment grâce à l'essor de l'économie de la soie dans l'arrière-pays. Elle est aussi l'un des grands centres de la renaissance culturelle arabe et se dote des infrastructures modernes qui la feront choisir en 1920 comme capitale du Grand Liban et siège du mandat français, puis de la République libanaise en 1926. Tout au long du XXe siècle, malgré les désaccords entre communautés religieuses, Beyrouth renforce son rôle de plaque tournante financière. A partir des années 1960, la capitale draine les pétrodollars et les recycle. C'est le plus grand centre d'affaires du Proche-Orient, c'est aussi une République des Lettres et une oasis de liberté. Ce Beyrouth de l'âge d'or oscille entre deux images contradictoires : celle d'une métropole ouverte à tous vents, cosmopolite au point d'avoir développé une culture sans grand rapport avec ce qui l'entoure et celle d'une ville qui serait le berceau de la culture arabe contemporaine. La vérité est entre les deux puisque Beyrouth est précisément une ville pluriconfessionnelle. C'est en 1975 qu'éclate une guerre qui n'ose pas dire son nom et qui divise la capitale en deux. Beyrouth s'est reconstruite à partir de 1990 presque aussi vite qu'elle a été détruite, même si la place des Martyrs, mémoire de la ville ottomane et française, risque fort de rester en chantier pendant de longues années. Le projet visant à faire du centre-ville une sorte de Dallas sur Méditerranée a été écarté, mais Beyrouth n'a pas encore retrouvé la place polyvalente qui a fait son caractère singulier. Entre le chatoiement d'une ville ouverte, à la fois orientale et occidentalisée, moderne mais profondément ancrée dans une Histoire qui a vu passer Pompée, Saladin, Jazzar et Ibrahim Pacha, et les cauchemars d'un lieu dévolu à la guerre, Beyrouth et ses habitants venus de partout, Beyrouth avec ses femmes et ses hommes, ses écrivains et ses artistes, son urbanisme et son architecture aura entretenu les fantasmes les plus contraires. Comment se composent ces images ? De quoi se nourrissent-elles ? De quelle ville réelle sont-elles les masques alternés ? Tout en restituant à Beyrouth son histoire plurielle et la diversité de ses visages, ce livre inspiré se concentre sur ce qui a fait de cette ville, depuis le 19e siècle, l'un des premiers espaces de la modernité en terre arabe. Sans en ignorer les crises, il explore avec un souffle à la Braudel le particularisme d'une métropole régionale cosmopolite qui, par-delà la modestie de sa géographie, a nourri un immense imaginaire et anticipé l'hybridité des grandes villes de notre temps. Revues et points de vue Histoires libanaises Par Henry Laurens Professeur au Collège de France Trois ouvrages de factures très différentes, mais ayant tous pour sujet l'histoire contemporaine du Liban, viennent d'illustrer le Salon du livre francophone de Beyrouth. Le premier, consacré par Samir Kassir à l'histoire de Beyrouth, s'impose comme l'une des oeuvres majeures de la collection d'histoire des villes de l'éditeur Fayard (1). Loin de tout déterminisme géographique, la petite ville du début du XIXe siècle deviendra en moins de cent ans l'une des grandes métropoles levantines. Les facteurs de cette extraordinaire expansion viennent tout autant des Trois ouvrages de factures très différentes, mais ayant tous pour sujet l'histoire contemporaine du Liban, viennent d'illustrer le Salon du livre francophone de Beyrouth. Le premier, consacré par Samir Kassir à l'histoire de Beyrouth, s'impose comme l'une des oeuvres majeures de la collection d'histoire des villes de l'éditeur Fayard (1). Loin de tout déterminisme géographique, la petite ville du début du XIXe siècle deviendra en moins de cent ans l'une des grandes métropoles levantines. Les facteurs de cette extraordinaire expansion viennent tout autant des fruits de la modernisation étatique (domination « égyptienne » des années 1830, administration éclairée de l'Empire ottoman réformé des Tanzimat), de la volonté d'ouverture vers l'Europe de la révolution industrielle et du dynamisme conquérant d'une bourgeoisie locale en renouvellement constant. Très tôt, cette ville de commerçants et d'administrateurs devient l'un des principaux foyers de vie intellectuelle du monde arabe. Culture matérielle et culture intellectuelle convergeront alors pour lui donner son caractère unique, celui d'être la vitrine d'une modernité ottomane, puis arabe, qui deviendra son principal caractère distinctif. Avec une extrême finesse et une très grande précision de détails, Samir Kassir analyse les mutations successives de la ville aux XIXe et XXe siècles. Les illustrations soutiennent avec intelligence un texte toujours d'une grande limpidité. Le mandat français fait de la ville la capitale du Liban, et elle devient, après l'indépendance, la métropole cosmopolite des Arabes. Cette véritable histoire totale se fracasse comme son objet d'études sur la catastrophe de 1975 et de la guerre civile qui la suit. La ville devient alors l'exemple d'une autre modernité, celle bien plus sinistre des guerres urbaines de notre temps présent. Dans sa postface, l'auteur se fait le contempteur du trompe-l'oeil, des faux-semblants de la Beyrouth restaurée d'aujourd'hui, véritable gâchis et complète impasse d'un après-guerre perdu. Histoire de Beyrouth - Compte rendu Par Thierry Sarmant L'auteur du compte rendu : Archiviste-paléographe, docteur de l'université de Paris-I-Sorbonne, Thierry Sarmant est conservateur en chef du patrimoine au Service historique de l'armée de Terre. Il prépare, sous la direction du professeur Daniel Roche, une habilitation à diriger des recherches consacrée à "Louis XIV et ses ministres, 1661-1715". Il a publié une vingtaine d'articles sur l'histoire politique et culturelle de la France moderne et contemporaine et six ouvrages dont Les Demeures du Soleil : Louis XIV, Louvois et la surintendance des Bâtiments du roi (2003) et La Roumanie dans la Grande Guerre et l'effondrement de l'armée russe (1999). Dans la série vouée par les éditions Fayard au genre difficile de l'histoire urbaine, les livraisons sont fort inégales - on se souvient du plat et indigeste Paris : deux mille ans d'histoire, donné par Jean Favier en 1997 - ; il faut donc signaler combien la superbe Histoire de Beyrouth que donne aujourd'hui M. Samir Kassir se détache de cet ensemble. Solidement documenté, abondamment et intelligemment illustré, écrit avec sobriété et élégance, ce livre est véritablement l'histoire d'une ville : tous les aspects de la vie urbaine y sont traités - architecture et urbanisme, commerce, enseignement, culture, gastronomie, etc. En outre, l'auteur remonte au plus lointain passé de la ville, éclairant ainsi l'histoire politique du Liban contemporain. Suivant un plan chronologique qui ne s'interdit pas les poses thématiques, M. Kassir part tout simplement de l'Antiquité. Au contraire d'autres métropoles, Beyrouth - nom qui signifie le Puits - n'est pas prédestinée par son site, un promontoire escarpé se détachant d'une étroite plaine côtière éloignée des débouchés naturels du Mont Liban. A l'époque phénicienne, elle n'est qu'une bourgade secondaire, le premier rôle revenant à Tyr, Sidon et Byblos. Dans cette très ancienne terre de chrétienté, le premier évêque est signalé en 150 de notre ère, et le diocèse relève de Tyr jusqu'en 450. Siège d'une école de juristes sous les Byzantins, Beyrouth n'occupe qu'une place modeste dans les chroniques arabes et ottomanes, non plus que dans celles des Francs, bien qu'elle soit restée cent soixante-dix ans aux mains des croisés. A la fin du XVIIIe siècle, elle ne compte que 4 000 habitants pour 100 000 à Damas. L'essor de Beyrouth commence au début du XIXe siècle, quand Ibrahim Pacha, fils de Méhémet Ali, ouvre ses Etats à l'influence européenne. Beyrouth va alors devenir la tête de pont de l'occidentalisation de l'Orient : les premiers Steamer y arrivent en 1836, la route Beyrouth-Damas est ouverte en 1863, le chemin de fer l'est en 1893. Beyrouth est le port où débarquent les produits venus de l'Occident. A la fin du siècle, elle est une des vitrines de la modernité ottomane et parvient à un développement matériel qui n'a son équivalent qu'à Istanbul et Smyrne. La ville connaît dans le même temps un essor culturel considérable. En 1866, est fondé le Syrian Protestant College, ancêtre de l'American University of Beyruth ; en 1875 le collège de Jésuites devient l'université Saint-Joseph. Samir Kassir tend à réhabiliter cette époque ottomane, qui annonce, à bien des égards, la période suivante, mieux connue et davantage célébrée. En effet, les années qui vont de l'établissement du Mandat français (1919) jusqu'au début de la guerre civile (1975) sont tenus pour l'âge d'or de Beyrouth. Ceux qui l'ont connu ne peuvent évoquer sans nostalgie le «panorama à la fois bucolique et moderne» de la ville à cette époque. «Petit Paris», «Nice de l'Orient» dans une «Suisse du Levant», Beyrouth offre tous les charmes d'une ambiance coloniale... sans les colons. Après l'indépendance (1943), le Liban apparaît comme un îlot de paix et de libéralisme dans un Proche-Orient en proie à la guerre et au dirigisme de régimes autoritaires. En 1958, y naît la première chaîne de télévision de langue arabe. Mais l'auteur apporte de sérieuses nuances à ce tableau : si le régime français a à son actif d'indéniables réussites - et l'urbanisme beyrouthin est du nombre -, les choix qu'il opéra eurent à long terme de funestes conséquences. Animés parfois d'un esprit de croisade déplacé, désireux de gérer le Mandat comme une colonie, les Français ont divisé pour régner, et le choix du Grand Liban, au détriment d'un Petit Liban ou d'une Grande Syrie peut être considéré comme une des causes lointaines de la guerre civile. Pendant la «belle époque» de Beyrouth, une «ceinture de la pauvreté», faite de bidonvilles, peuplés de chiites et de palestiniens, croît autour de la ville, dans l'indifférence. Au cours des années soixante, la spéculation immobilière incontrôlée altère peu à peu le paysage de jadis. Enfin, la façade de libéralisme politique cache un confessionnalisme construit «autour des maronites». M. Kassir traite rapidement de la guerre civile et s'arrête plus longuement sur la reconstruction commencée après les accords de Taëf (1990) et qui a donné lieu à de vives polémiques. Au contraire d'autres grands témoins libanais, l'auteur juge le bilan de Solidere comme «globalement positif». Sans doute les promoteurs ont-ils renchéri sur les destructions effectuées par la guerre, mais le centre-ville nouveau, moderne, propre, est à tout prendre un pastiche assez réussi de l'ancien Beyrouth. Le reste de la ville est encore négligé. Quant au charme d'antan, il n'est pas ressuscité. A dix kilomètres au nord de Beyrouth, les stèles de Nahr el Kalb évoquent la longue série des dominations connues par le Levant depuis la XIIe dynastie égyptienne jusqu'au général français Gouraud. Peu de monuments évoquent de manière plus frappante la destinée de ce pays, condamné par sa géographie à faire partie de grands empires sans être lui-même le centre d'une formation étatique. Avec cette monumentale Histoire de Beyrouth, M. Kassir a ajouté aux stèles de pierre une stèle de papier, un livre exemplaire de finesse et de lucidité.
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